
"Conduites à risque dans les parcours d’émigration » par la MMPCR
Journée d’échanges sur le thème des « conduites à risque dans les parcours d’émigration » organisée par la MMPCR (Mission Métropolitaine de Prévention dans le Parcours des Conduites à Risque) le 16 septembre 2014, au Forum de l’Image à Paris. Anne-Marie Cornavin, administrateur, représentait Familles de France.
Journée d’échanges et de réflexion organisée autour de l’enquête* menée sur 2 années en Seine-St-Denis par Pascale Jamoulle, docteur en anthropologie, spécialiste de l’exil et de la précarité, chargée de cours dans les Universités de Louvain-la-Neuve et de Mons en Belgique, sur les pratiques de prévention auprès de publics migrants et d’enfants de migrants, qui a fourni la matière d’un livre intitulé « Par-delà les silences, non-dits et ruptures dans les parcours d’immigration » publié par les éditions de La Découverte.
• Enquête commanditée par les départements de Paris et Seine-St-Denis.
L’objectif était de comprendre les vulnérabilités de ces populations à risque et agir en prévention.
Ont été invités à y participer de nombreux professionnels et membres d’associations des secteurs médicaux et sociaux.
Au programme :
Ouverture par Bernard Jomier, adjoint au Maire de Paris, chargé de la santé, du handicap et des relations avec l’AP-HP et Gilles Garnier, Conseiller Général délégué à la Prévention des conduites à risques et à l’observatoire des violences faites aux femmes.
- « Travail de l’exil chez les migrants en grande précarité » et « Travail de métissage chez des jeunes et des familles issus des migrations » avec Pascale Jamoulle.
- Tables rondes autour d’expériences :
o Réduire les heurts et les ruptures liés aux parcours de migrations : avec l’équipe Bociek de l’association Charonne, Stéphane Caron, directeur de l’Association contre l’esclavage moderne, et Bernadette Rwegera, directrice de l’Association Ikambere.
o Accompagner les jeunes et leurs familles : avec Charles Di, ethno-psychologue, intervenant à l’Association Léa, Sarah Oussekine, directrice de l’Association Voix d’Elles rebelles, Christophe Gibard, développeur social à l’association ASMAE, et Satankoule Diaby, adulte-relais à l’association Maroc Tanger.
- Conclusion de la journée et perspectives avec Jean-Claude Métraux, psychiatre et psychothérapeute de l’enfant et de l’adolescent au Centre hospitalier de Lausanne.
Associée à cette journée : Exposition « Ici et Là-bas », la Sociologie de l’émigration-immigration, une série d’affiches réalisées par l’Association de Prévention du Site de la Villette illustrant les travaux d’Abdelmalek Sayan, sociologue algérien, directeur de recherche au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), qui a consacré toutes ses recherches à l’émigration-immigration algérienne et mis en avant les processus sociaux à l’œuvre dans les migrations de travail et de peuplement d’aujourd’hui.
Aux cours de cette journée, Pascale Jamoulle est revenu sur les principaux constats et les pistes de prévention qui ont émergé lors de son enquête au fil de ses dialogues avec des personnes migrantes récemment arrivées, des familles immigrées de longue date, et des professionnels qui interviennent spécifiquement auprès de ces publics.
En se racontant, hommes et femmes, jeunes et parents sont sortis collectivement du silence, relatant le travail de l’exil, d’épreuve en épreuve, questionnant les métissages culturels, d’une génération à l’autre, dans les quartiers populaires. Au cœur de leur vie, des « trous de mémoires des familles » et le « blanc » dans l’histoire des migrations qui se conjuguent aux non-dits actuels de la société française et de son modèle d’intégration.
Parmi ces personnes, nombreuses sont celles qui vivent une triple rupture :
- Avec leur passé (quand il ne leur est pas transmis)
- Avec leur langue et leur culture d’origine (quand celles-ci sont censées disaraître)
- Avec la réussite sociale en France (quand celles-ci se sentent mises au ban).
La plupart ont connu différentes formes de précarité et parfois de violence, liées aux histoires personnelles, mais aussi aux problèmes de séjour, aux dominations de classes, de race et de genre.
A ces parcours se mêlent tensions sociales, souffrances de l’exil, impasses du métissage… et prévalent bien souvent aveuglement, mutisme et relégations.
La précarité, la relégation et les discriminations peuvent créer une insécurité identitaire et devenir un terreau pour les conduites à risques ou les formes les plus variées de repli sur soi ou sur la communauté de proximité. Sans papiers, sans famille, le migrant doit élaborer des stratégies de survie.
Le migrant n’existe qu’à partir du moment où il détient ses papiers, qu’il sort de son statut de « sans papiers », phase au cours de laquelle il doit survivre, exposé aux conduites à risques (économie de rue, trafics, squats, travail clandestin, prostitution, pratiques addictives…). D’où l’importance du travail social, éducatif et de prévention pour accueillir la parole et accompagner le processus d’élaboration d’une identité, prendre en cours le vécu de chaque migrant, et l’aider à se construire.
Allier différents référents identitaires, les uns issus de la culture d’origine, et d’autres issus de la société d’accueil, peut se révéler une tâche ardue. Ce travail de tissage de liens peut être riche ou appauvri selon ce qui a été transmis ou non de la culture d’origine et selon l’ouverture de la société d’accueil à la singularité des expériences des migrants et de leurs enfants. Il peut être dynamisé par des rencontres, notamment avec des professionnels, capables d’accueillir la parole des migrants, et d’accompagner leur travail d’élaboration.
De cette journée soumise aux débats, ont émergé de nombreuses réflexions sur le « vivre ensemble » et une importante information sur les pratiques professionnelles et associatives développées dans nos collectivités.
