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Conférence de Michel Billé avec Familles de France 86

20/03/2014 - 09:30

Une conférence passionnante dont Guy Pailler nous livre le message d'accueil qu'il a adressé au sociologue et le compte-rendu de cette soirée qui a eu lieu le 14 mars 2014 dans les locaux de l'UDAF de la Vienne. 

A l’évidence, que cela nous plaise ou pas, tout ce qui tourne autour de la famille aujourd’hui, nous ne le soupçonnons pas. Aucune famille n’est à l’abri de ce qui va se passer. En tant que sociologue, j’essaie de comprendre cette évolution, pas de la juger.
Si je veux communiquer avec quelqu’un, il faut que je le comprenne… ne serait-ce que pour mieux l’aider… au nom de la fraternité.

La vérité : c’est que la famille est une réalité durable et une réalité instable puisqu’elle transforme tout le monde. Dans une même famille, les modèles se croisent, dialoguent, se disputent. Ils sont souvent complémentaires.

Aujourd'hui, ce qui fait « famille », c’est le changement

Nous avons tendance à regarder le modèle que nous avons connu, comme le modèle de référence. Pourtant, de tout temps, les modèles ont évolué. Il faut apprendre à vivre avec les nouveaux modèles, qui eux-mêmes, deviendront « obsolètes » pour continuer sous des modèles différents.
La grande difficulté c’est de comprendre que lorsque le modèle familial se transforme, on a l’impression que "son" modèle de référence, conventionnel ou pas, disparaît dans l'abîme parce que nous ne comprenons pas les nouveaux codes des changements. C’est très compliqué en effet de les comprendre.

Allons-nous vers la famille virtuelle ?
Pour une part, nous y sommes déjà. Il faut bien se rendre à l’évidence que depuis la nuit des temps, les modèles familiaux évoluent. En effet depuis la mythologie grecque, la séduction, la colère, la séparation, les changements de partenaires…existent. La famille se compose, se décompose, se recompose… ainsi va son évolution en fonction du temps et des évènements.

L’effet « de la guerre ».
Prenez l’effet de la guerre sur la famille. Les jeunes sont partis à la guerre. Ils ont laissés leurs jeunes femmes avec une grossesse, ... un jeune bébé, un jeune enfant, … Ils sont revenus trois, cinq, voire huit années après. Comment les bébés, les jeunes enfants, qui ont grandi, peuvent-ils reconnaitre leurs pères ? Comment les maris peuvent-ils reconnaître leurs épouses, puisqu'elles ont - forcément - changé de rôles depuis leurs départs... et vice-versa. Il lui faudra, que tous apprennent à revivre ensemble !
Avant la guerre, la France était rurale. On vivait sous un même toit à 3 générations. La guerre terminée, tout a changé. Le monde rural va migrer vers la ville, à cause de l’emploi. Les grands-parents restent à la ferme, les jeunes parents, avec leurs enfants partent. La cohabitation à trois générations n’existe plus… avec la perte de l’intergénérationnel en conséquence. C’est un fait, que ça nous plaise ou pas, la famille s'est transformée. C’est la naissance du modèle nucléaire. Le noyau étant le couple. Cette famille va  devenir une nouvelle entité.

L’effet « Dallas »
Toute la famille regarde la télé, voit les amours, les conquêtes, les désamours, les engueulades… tout comme ce qui se vit dans la famille. Nombreux conflits familiaux débouchent sur le divorce, et sur la reconquête d’un nouveau partenaire, pour faire une nouvelle « entité familiale recomposée ».
Le couple a explosé, mais la famille perdure sous une autre forme.
Qu’est-ce qui fait famille dans ce cas ?
Vivre tous sus le même « toit » ? C’est fini… Chaque génération vit sous son « toit »…
Avoir un même nom de famille ? C’est fini. Les noms sont multiples…
Avoir le même sang (comprendre « le même sperme ») ? C’est fini avec les familles recomposées…
Avoir un engagement amoureux  pour la vie ? C’est fini.
La société actuelle valorise : l’éphémère. C’est la valorisation du temps présent. Le futur n’existe pas. Seul le statut de parent demeure. Ce serait donc l’enfant qui fait « famille » ?

L’effet « connexion  / déconnexion »
La société de l’instant « T » prime sur toute autre durée. Le futur n’existant pas. Les effets « média » de l’info en continue, du «Smartphone » s’imposent à tous. Pourquoi les familles échapperaient elles à cette valorisation de l’instant « T » ? Impossible…La conséquence, c’est : l’accélération du modèle « couple je fais, couple je défais… » (Et peut être avec plusieurs partenaires en même temps…pour ne pas se retrouver sans partenaire…) (modèle très en vogue chez les ados).
Nous sommes dans un processus de « casting ». Je m’inscris sur un site. J’écris mon modèle de partenaire. J’attends les réponses…. Je réponds aux annonces : OUI - NON ... (Je postule comme à une annonce d’emploi) … J’attends de voir… Passer, des rencontres virtuelles aux rencontres réelles… à voir…je me donne le choix de me déconnecter ! Le choix va être une façon de « faire sa famille ».

Même dans les couples dits stables. L’effet « Skype » est présent. Pourquoi ? Sous l’effet de la mondialisation, parcourir le monde, surtout pour les jeunes devient un rite de passage normal, pour satisfaire aux nouveaux codes de la modernité, afin d'appartenir à la génération « Y »… Ainsi, la connexion « Skype », entre les parents et leurs enfants, à l’autre bout du monde, est devenue une banalité pour continuer le lien.

Cette relation virtuelle s’impose «  comme la réalité d’aujourd’hui». Notre problème, c’est notre confrontation à cette réalité. Les relations familiales durables sont confrontées à ce changement. D’où l’urgence de « programmer » des rencontres familiales réelles… un an ou plus, à l’avance pour être sûr que la date soit libre…

Qu’est-ce qui fait famille aujourd’hui ?
Le couple se connecte, se déconnecte… ainsi c’est la vie d’aujourd’hui…. Si nous voulons contrecarrer cet « aléatoire » qui nous guette, il faut répondre à la question : qu’est-ce qui fait « famille » aujourd’hui ? C’est le CHOIX. Choix de se connecter. Choix de se déconnecter. Décider d’un lien particulier, fondé sur le mariage ou pas. La nature du lien évoluera, mais pas le LIEN. Eduquer un enfant pour qu’il décide de se RELIER, avec les autres…DE FACON DURABLE (préférable à l’éphémère) devient une fonction indispensable de la parentalité.

Le rôle dévolu aux grands-parents
Le « boulot » des grands-parents c’est de suggérer à leurs petits-enfants de structurer leur « couple » pour s’aimer (durablement) pour l’avenir et pas seulement pour l’instant « T », de construire un amour à vivre. Faire, maintenant, pour vivre heureux de façon durable…. Mais ce discours est difficile à tenir, parce qu’il renvoie au modèle conventionnel, voir « moraliste ».

Une conclusion osée...
Ce sont les parents qui s’engagent dans la durée, pour construire leur amour, en lien avec leurs enfants qui font famille.

... mais n'est-ce pas à chacun, à chaque couple, de "construire" sa conclusion ?